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Puit aérien de Trans-en-Provence (Photographie © Michel Royon, Creative Commons , no changes)

Le puit aérien de Trans-en-Provence

Près de Vidauban, au sud de Draguignan, se trouve la ville de Trans-en-Provence. Si votre chemin vient à vous y conduire, il y a de fortes chances que vos yeux soient attirés par un bâtiment en cloche, une structure haute de 12 m et large d’autant, dont vous aurez grande peine à identifier la fonction. Vous serez alors face au puit aérien de Trans-en-Provence, le plus grand puit aérien du monde.

Aux origines du puit aérien de Trans-en-Provence

L’histoire qui mena à la construction du puit aérien (ou condensateur) de Trans-en-Provence est une authentique aventure scientifique et historique.

En 1903, une équipe chargée de travaux de reboisement au sud de la Crimée découvrit un réseau de tuyaux de grès faisant de 5 à 7 cm de diamètre qui alimentait probablement les fontaines taries de la colonie grecque de Théodosia. Selon les recherches de l’ingénieur russe en charge des travaux, M Zibold, les tuyaux conduisaient non pas à des sources alimentant les fontaines, mais à des structures en cône formées de pierres calcaires concassées. Ces structures, faiblement enfouies et construites au niveau des crêtes des montagnes mesuraient 30 m de diamètre pour 10 m de haut.
M Zibold supposa alors que la vapeur d’eau contenue dans l’air entrait par les interstices des pierres, se refroidissait dans cette structure fraiche, et finissait par se transformer en eau ruisselant vers les fontaines. Cette théorie faisait de ces structures des condensateurs, sortes de créateurs artificiels et réceptacles, du phénomène de rosée. Elle fut démentie bien plus tard par deux expéditions franco-ukrainiennes en 1993 et 1994 qui montrèrent que les structures fouillées abritaient des tombes (ce qui en faisait des tumuli), et que c’était l’eau provenant de sources qui était canalisée par les tuyaux de grès.
M Zibold tenta de construire un condensateur similaire aux tumuli avec des galets. Un unique et invérifiable témoignage soutien que la structure permit de recueillir quelques 360 litres d’eau par jour.

Quelques années plus tard, en 1929, le directeur de la Station de Physique et de Climatologie Agricoles de Montpellier, Léon Chaptal (français), influencé par les échos de l’expérience Zibold et ayant réalisé lui-même plusieurs études sur la rosée, fit construire à Montpellier une pyramide tronquée de 3 m de côtés pour une hauteur de 2,5 m en pierres calcaires. Mais cette expérience fut un échec puisque le réservoir ne recueillit qu’un maximum de 2,5 litres d’eau en une journée, et le plus souvent moins d’un litre. M Chaptal en avait déduit que les dimensions trop modestes de l’édifice empêchaient une plus grande production de rosée.

C’est en poursuivant l’expérience qu’un certain Achille Knapen, ingénieur belge, va construire entre 1930 et 1931 un immense condensateur à Trans-en-Provence.

Puit aérien de Trans-en-Provence : idée, structure, fonctionnement et résultats

M Knapen a déjà acquis une certaine renommée avant 1930. En effet, il est l’inventeur du « siphon Knapen » qui permet encore aujourd’hui d’empêcher l’envahissement par l’humidité, de corps poreux – comme les pierres des édifices –  en extrayant cette eau dont ils sont chargés (par capillarité), le processus rejetant alors un air très humide.
L’idée de passer de cette application vers l’expérience du puit aérien, M Knapen l’aurait pour la 1ère fois exposée au Congrès de l’Eau à Alger en janvier 1928. Il aurait évoqué la possibilité de faire l’inverse de son siphon : capter l’humidité pour la condenser et la faire retourner à l’état liquide. Le concept du puit aérien est à ce moment-là un projet de recherche appliquée humanitaire : fournir une source d’eau potable aux habitants d’une région, d’un village, qui n’y auraient pas accès autrement (pas de puit, de rivière,…), en particulier dans des espaces désertiques comme on peut en trouver en Algérie. Mais le projet imaginé pour l’Algérie a avorté, et M Knapen se tourna alors vers la colline de Trans-en-Provence.

Il fit construire sur une période d’1 an et demi une structure en forme de cloche, mesurant à sa base 12 m de diamètre pour 12 m de haut constituée de blocs de calcaire assemblés en pierres apparentes. La paroi de la structure mesure 2,5 m d’épaisseur, elle est percée de 7 rangées d’ouvertures sur toute sa circonférence afin de faire entrer ou sortir l’air. Au cœur de cette « coquille » externe, on trouve une structure interne, faite de béton en grenaille de porphyre et de mortier, espacée de la paroi interne de la coquille et qui en épouse la forme. Cette structure centrale cylindrique est percée sur toute sa surface de tubes poreux et présente en son centre une cavité, cylindrique elle aussi, d’1 m de diamètre pour 9 m de haut. Enfin, un tube métallique vertical de 30 cm de diamètre se trouve au milieu de cette cavité ; il traverse le haut du bâtiment qu’il dépasse de 50 cm et n’est pas planté dans le sol.

Le principe de fonctionnement de ce condensateur est assez simple. Pendant la nuit, l’air froid pénètre par le haut du tuyau, se répand dans toute la structure en la refroidissant et s’échappe par les 2 rangées inférieures d’ouvertures. Puis le jour, l’air chaud pénètre par les 5 rangées supérieures et au contact des surfaces internes froides la vapeur d’eau contenue dans l’air se dépose sur les parois et se transforme peu à peu en eau ; cette eau finit par ruisseler dans la citerne placée sous l’édifice et l’air « sec » est évacué par les 2 rangées d’ouvertures inférieures de la « coquille ».

Cependant, les résultats ne furent pas à la hauteur des espoirs de M Knapen et de ces longs travaux. En effet, il avait espéré obtenir entre 30 000 et 40 000 litres d’eau par jour. Or, les meilleurs jours, le puit ne fournit que l’équivalent d’un seau de 10 litres !
L’échec de cette expérience est certainement dû à deux facteurs : la taille trop grande du condensateur qui n’avait pas le temps de se refroidir la nuit et des écarts de températures nocturnes trop faibles à Trans-en-Provence.

On sait maintenant que le condensateur idéal, à l’opposé des thèses de constructions gigantesques du début du XXe siècle, doit être léger (une masse minimum) pour se refroidir rapidement la nuit.

La recherche dans ce domaine avance donc toujours, et nous pourrons peut-être voir, un jour, de petits condensateurs, vitaux pour certains habitants,  fleurir dans les régions où la ressource en eau fait défaut.
Aujourd’hui le puit Aérien de Trans-en-Provence existe toujours, posé comme une curiosité, témoin d’une démarche qui n’a malheureusement pas donné les résultats escomptés.
Il est quand même inscrit au titre des monuments historiques depuis le 9 décembre 1983 !

Bibliographie numérique

http://www.culturecommunication.gouv.fr/Regions/Drac-Paca/Politique-culturelle/Patrimoine-du-XXe-siecle/Le-label/Les-edifices-labellises/Label-patrimoine-du-XXe-Var/Trans-en-Provence-Puits-aerien
http://www.histoire-eau-hyeres.fr/612-puits_aerien.html