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Lézard ocellé (Photographie © M. Rey, Creative Commons , no changes)

Le Lézard ocellé au centre d’une étude biologique et mathématique

Malgré son habitat assez localisée (moitié sud de la France, Nord-Ouest de l’Italie, Espagne et Portugal), le Lézard ocellé intrigue et attise l’intérêt de scientifiques au-delà de son aire de répartition. En effet, une équipe de chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) et de l’Institut Suisse de Bio-informatique (SIB) a récemment publié les premiers résultats d’une analyse mathématique portant sur la disposition tout à fait particulière des différentes couleurs d’écailles chez notre reptile provençal.

Le Lézard ocellé, de son nom scientifique Timon lepidus , est le plus grand lézard d’Europe et mesure en moyenne 59 à 75 cm de longueur, queue comprise. S’il vous est inconnu, je vous invite alors à lire la fiche faune le concernant,  sur notre site ( /decouvrir/espace-jeunes/#lezard-ocelle ). Sa particularité principale est de naitre avec des écailles brunâtres ponctuées de tâches claires de couleur jaune-blanc cernées de noir et formant des ocelles qui vont progressivement changer de couleur. A l’âge adulte, le dos du Lézard Ocellé est constitué d’une mosaïque d’écailles noires et d’écailles allant du jaune-beige au vert selon les individus. C’est cette disposition des écailles, apparemment  aléatoire et sans structure, qui a fait l’objet d’une étude menée par des chercheurs suisses.

De nombreux animaux sont sujets à des changements de couleur de peau au cours de leur vie. Les dessins formés (zébrures, tâches,…) « sont dus à des interactions microscopiques qui se déroulent au niveau cellulaire et que décrit parfaitement Alan Turing . C’est à ce mathématicien et cryptologue du milieu du XXe siècle, que l’on doit notamment les fondements de l’informatique moderne, ainsi qu’un travail sur la morphogénèse à partir de l’élaboration d’un modèle biomathématique. C’est ce modèle que les chercheurs Suisses  ont utilisé pour leur études sur le Lézard Ocellé.
Si le Lézard ocellé a fait l’objet d’une analyse toute spéciale, c’est parce qu’il n’est pas comme les autres et les changements de couleurs que subissent ses écailles lors du passage à l’âge adulte ne peuvent s’expliquer avec les seules équations d’Alan Turing. Car en effet,  les modifications n’ont pas lieu seulement au niveau cellulaire mais également au niveau des écailles toutes entières. Pour expliquer ce phénomène l’équipe de chercheurs a alors eu l’idée d’utiliser les travaux d’un autre célèbre mathématicien du XXe siècle : de John Von Neumann (1903-1957 théorie mathématique des « Automates cellulaires »).

Quatre années d’observation de Lézard ocellé,  de la naissance à l’âge adulte et l’utilisation de modélisation 3D du réseau d’écailles ont permis aux chercheurs de découvrir que « les écailles changent de couleur du brun au noir ou au vert, mais qu’elles continuent, une fois le lézard adulte, de passer du noir au vert et du vert au noir ». L’hypothèse avancée est que le réseau d’écailles du Lézard ocellé forme un « automate cellulaire » (un système computationnel ésotérique). Les « automates cellulaires » sont des réseaux abstraits dans lesquels chaque élément change d’état (ici, la couleur verte ou noire) en fonction de l’état des éléments voisins. » Les observations et simulations concordent à montrer que les écailles changent bien de couleur en fonction de la couleur des écailles voisines, ce qui serait le 1er cas d’automate cellulaire observé chez un être vivant.

Restait alors une interrogation sur le cas particulier du Lézard ocellé : « comment des interactions microscopiques entre des cellules pigmentaires, décrites par les équations de Turing, peuvent-elles produire un automate de von Neumann exactement superposé aux écailles de la peau ? » A cette question, le professeur Milinkovitch réponds par une hypothèse : les écailles du Lézard ocellé n’ayant pas une épaisseur homogène (le centre est plus épais), les équations de Turing s’en trouveraient influencés. Les simulations alors non satisfaisantes, (les mathématiques de Turing et de Von Neumann étant très différentes), ont conduit l’équipe à recourir au service du mathématicien Stanislav Smirnov qui « modifia les équations de Turing et établi un lien mathématique formel avec les automates de Von Neumann ». Ainsi le professeur Smirnov réussi à lier les équations des deux mathématiciens, permettant de générer des simulations informatiques qui produisent, sur la base des équations de Turing modifiées, un système in différenciable d’un automate de Von Neumann.
Le mystère des écailles du Lézard ocellé semble donc bien résolu!

Source :
http://www.unige.ch/sciences/Actualites/2017/News-120417-1.html