Il est des histoires qui ne semblent pas vraies, de pures créations de conteurs peu scrupuleux. Mais parfois, le burin du temps donne juste les quelques coups suffisants pour transformer la petite histoire en légende. C’est à l’une de ces histoires que l’on pense lorsqu’on évoque le nom chuchoté partout en Provence de : Gaspard de Besse.
Au début…
En 9 février 1757, dans le village de Besse (aujourd’hui Besse-sur-Issole), nait un certain Gaspard Bouis. Fils de ménager (un paysan qui possède la terre qu’il exploite), Gaspard arrive au monde dans un
contexte économique très difficile pour la paysannerie française
, ce qui aura des implications dans son avenir.
On connait peu de choses de son enfance, mais l’on sait néanmoins que son père décède alors qu’il n’a qu’un an, ce qui n’était pas rare à l’époque. Mais transportons-nous maintenant au début de la vie rocambolesque du brigand au grand cœur surnommé plus tard Gaspard de Besse.
L’étincelle et le brigandage
Comme pour toutes les légendes, plusieurs récits s’affrontent pour savoir comment débuta l’épopée romanesque de notre jeune Gaspard de Besse. Certains ont ouïe dire qu’il aurait organisé l’évasion d’un
bagnard
, non pas une vile crapule, mais un pauvre homme qui aurait juste détourné quelques kilos de sel. Gaspard libéra par la même occasion ses compagnons d’infortune. D’autres pensent, qu’ivre, il signa son incorporation dans l’armée du roi, et qu’au petit matin, ayant recouvré ses facultés, il se soit ravisé et aurait déserté.
Il est probable que nous ne sachions jamais ce qui s’est vraiment passé, mais toujours est-il que Gaspard se retrouve dès lors à la tête d’une petite bande armée dont les lieutenants bagnards seraient Joseph Augias et Jacques Bouilly. D’abord recluse dans une grotte du mont Vinaigre (
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) pour échapper aux recherches de la maréchaussée (l’ancêtre de la gendarmerie), la bande grossit et finit par vivre rapidement de rapines (action de ravir quelque chose par violence). Elle opère alors du côté des gorges d’Ollioules (
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), distantes de plus de 80 km du mont Vinaigre où se trouvait le quartier général de Gaspard, étendant ses méfaits de Nice à Marseille. Cette bande de brigands était singulière, et de leur différence va naitre la légende.
Les raisons de sa notoriété
Gaspard avait mis au point une sorte de « code d’honneur » oral devant être respecté par chaque membre et qui comprenait deux règles fondamentales.
Il fallait tout d’abord ne détrousser que les riches, les nobles, les usuriers ou collecteurs d’impôts, c’est-à-dire les bénéficiaires ou les profiteurs des abus et des inégalités fiscales opérés principalement par les Fermiers Généraux (les collecteurs des impôts indirects).
De plus, l’usage de la violence outrancière (poussée à l’excès) était proscrit, comme le montre sa fameuse devise : « Effrayez, mais ne tuez
jamais » ! Il apparaitrait en outre que le butin des rapines était divisé en deux, une part étant distribuée équitablement entre les brigands, et l’autre partagée entre leur réserve et les indigents (personnes qui manquent des choses les plus nécessaires, très pauvres).
Ainsi est née la légende de ce « Robin des Bois » de Provence qui volait seulement les riches pour donner, notamment, aux pauvres. Mais cet homme exceptionnel, figure de toute une région, soutenu par un peuple accablé par l’impôt, eut à n’en point douter une vie aussi courte
que trépidante.
Le début de la légende
Il est arrêté une première fois dans les Maures en juin 1779. Incarcéré dans la prison de Draguignan, il s’en échappe un an plus tard, sans doute grâce à la complicité de la fille du geôlier.
Car s’il y a un aspect du personnage qui restera aussi dans les mémoires c’est bien son aisance et son charme auprès des femmes, ce qui n’a fit qu’étoffer sa légende ! Un Robin des Bois – Don Juan, un homme rare
en somme !
Il ne resta cependant pas libre longtemps. En septembre 1780, il est reconnu dans une auberge de la Valette, arrêté avec ses deux lieutenants, puis transférés à Aix. Un très long procès s’en suivi où Gaspard, courageux entre tous, aurait plaidé pour sa défense la soif de justice et la non-violence. Mais cela ne suffit pas et le tribunal prononça sa condamnation à mort sur la roue pour le 25 octobre 1781.
Après avoir attaché Gaspard sur la roue, son corps tourné vers le ciel pour expier ses fautes, le bourreau lui brisa les membres et attendit sa mort lente pour le décapiter.
Avec la fin tragique de ce héros romanesque âgé de 24 ans seulement, s’achève l’existence d’un personnage qu’alors tout homme en Provence vous dit avoir rencontré, et commence la légende de Gaspard de Besse, « le brigand au grand cœur ». Mais la légende ne s’arrête pas là, car depuis sa mort l’on prétend que son trésor personnel serait enfoui dans la plaine de Cuges-les-Pins. De fait, depuis de nombreuses années, des chasseurs de trésors arpentent la plaine en vue de le découvrir. À ce jour, seule une petite bourse de pièces d’or fut découverte et rien ne prouve qu’elle fut sa propriété. Le trésor reste donc, à ce jour, introuvable…
Bibliographie
GRAISELY (Axel),
Le brigand des garrigues et les 20 trésors cachés de Besse sur Issole
, Hyères, Editions Daric, 2005, (
n.v.
).
MAUREL (Paul), « La vie véridique de Gaspard de Besse », dans
Amis du Vieux Toulon
, n°83, 1961, p. 25-41, (
n.v.
).
SICCARDI (Jean),
Gaspard de Besse : 1757-1781 Brigand de France, Héros de Provence
, Monaco, Editions du Rocher, 2005, (
n.v.
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